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Avis d'expert sur le tassement des sols par les pneus de tracteur

Rédigé par Expert Pneu Tracteur | 15 juillet 2020
Le tassement du sol représente un des éléments majeurs de dégradation des terres agricoles (après l’érosion hydrique).
Il est également responsable de la baisse de rendements et d’un lessivage élevé des nitrates.

Interview d'Hubert Boizard - INRA

Hubert BOIZARD a dirigé l’unité de recherche Agro Impact à l’INRA de Laon-Estrées Mons. Il a participé et coordonné de nombreux travaux de recherches parmi lesquels l’étude des tassements de sols.

« J’ai travaillé pendant presque 20 ans sur un dispositif d’étude avec des systèmes de culture différenciés par les rotations (betterave/blé/maïs/blé ou colza/blé/pois/blé) et les dates d’implantation et de récoltes.
De plus, nous comparions deux modalités de travail du sol : avec labour ou avec un travail du sol réduit à 5-6 cm de profondeur. Sur ces systèmes ayant des risques de tassement contrastés, il s’agissait de comprendre l’évolution de la structure du sol en labour ou sans travail du sol. Cette étude a été la base de nos travaux de recherche.
Aujourd’hui, les travaux sur la modélisation de l’état structural du sol se poursuivent à l’INRA d’Orléans. Des équipes de recherche étrangères travaillent également beaucoup sur les problématiques de tassement des sols et des sous-sols au Danemark, aux Pays-Bas et en Suisse.

Hubert BOIZARD - INRA

 

Des niveaux de risques de tassement du sol variés

Le facteur charge est très important pour l’évaluation du risque de tassement. Avec un même pneu de tracteur, si la charge varie, l’empreinte au sol n’est pas la même.
Il y a donc deux cas de figures :

  1. Les chantiers «légers» : au moment du travail du sol et de l’implantation. Pour ces chantiers la charge par essieu n’est pas très élevée. Il est possible, avec des pneus basse pression gonflés à 0,8 voire 0,6 bar de limiter le tassement sur le sol pour une grande gamme d’humidité.
  2. Les chantiers «lourds» : au moment de la récolte. Pour ces chantiers la taille des machines de récolte a beaucoup augmenté et, en conséquence, la charge par pneu. Si des pneus larges et performants, avec une large surface portante pour répartir la pression, permettent de réduire les tassements en surface, le risque de tassement en profondeur est élevé dès que le sol est humide. C’est souvent le cas pour les récoltes tardives à partir du mois de novembre. Aussi il peut être important de réfléchir sa date d’entrée sur la parcelle. Enfin, la texture du sol est à prendre en compte. En non travail du sol ou au niveau du sous-sol, un sol tassé par des machines de récolte en conditions humides va se régénérer plus rapidement en limon argileux qu’en sable, les sols argileux ayant une capacité à se fissurer rapidement sous l’effet du climat.

Ainsi, en fonction des systèmes de cultures, le risque de tassement varie. Il est limité dans un système céréalier : à la récolte, une moissonneuse-batteuse avec vidange de la trémie en bout de champ impacte seulement 15% de la parcelle. Cette surface augmente dans un système avec maïs fourrager où le passage de l’ensileuse est couplé avec un convoi tracteur-remorque. En système betteravier, la surface impactée peut atteindre 100% de la parcelle avec le travail des intégrales lors de la récolte. En plus, le convoi est lourd et les sols souvent humides. Le tassement du sol se fait alors en profondeur, à plus de 30 cm de la surface.

 

Quelles solutions pour éviter les tassements ?

La réduction du travail du sol ces dernières années doit amener à une nouvelle réflexion. En non travail du sol, la régénération de la structure est plus lente. Il faut donc limiter autant que possible les risques de tassement, par exemple à la récolte de céréales en vidant la trémie en bout de champ quand l’été est humide. Un décompactage occasionnel peut aussi s’imposer.

Il faut aussi rechercher des solutions nouvelles comme :

  • Le « Controlled Traffic Farming », avec des tassements localisés sur les voies de passage, que l’on décompacte si nécessaire.
  • Le semis avec la technique du StripTill associé à un système de guidage RTK va également dans le sens d’un meilleur respect du sol. Le problème, c’est que le RTK est applicable dans les régions céréalières mais pas dans les zones betteravières à cause des machines utilisées.

 

Engager une réflexion avec les constructeurs sur la taille des machines

Les machines se sont de plus en plus lourdes pour de raisons de débit de chantier et d’organisation du travail : ce n’est pas, à long terme, la bonne solution.
Il faut essayer de réduire les charges par pneu.

Nous alertons les équipementiers et les constructeurs sur le risque de tassement profond avec l’alourdissement des chantiers de récolte. Mais il est difficile d’agir sur certains matériels, notamment les intégrales betteraves. Ceci nécessiterait de repenser la répartition des charges entre la récolte et le transport des betteraves.

En pulvérisation, avec des pneus étroits, les tassements sont plus forts mais localisés. Ce type de chantier n’est pas un problème majeur.

 

Sensibiliser les agriculteurs aux risques de tassement

Sur le terrain, les agriculteurs sont plus ou moins sensibilisés en fonction de la nature de leurs sols et de leurs systèmes de culture. Certains sont sensibles aux problématiques de la charge et des travaux en conditions humides, mais ce sont le plus souvent les questions d’organisation de chantiers qui guident le choix des types de matériels.

De façon générale, les sols que nous avons en France sont sensibles au tassement et le nombre d’exploitations conduites en TCS augmente.
L’agriculteur doit donc s’interroger sur la capacité de son sol à se régénérer. Un tassement lié au pneu de tracteur en surface peut-être vite corrigé par un décompactage.
En profondeur, c’est l’action des vers de terre et du climat qui va favoriser la régénération. La présence de vers de terre va permettre la mise en place de galeries verticales, importantes pour une bonne infiltration de l’eau et un bon enracinement.

La nature des sols est aussi un point clef : un sol sableux se régénérera plus lentement qu’un sol argileux et nécessitera donc plus fréquemment un travail du sol.

 

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